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L’importance de la marque de base pour la marque internationale

La période de dépendance est actuellement en discussion à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Lors du groupe de travail sur le développement juridique du système de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, qui s’est tenu du 15 au 17 novembre 2021, il a été proposé de réduire la période de dépendance de cinq à trois ans. Cette proposition a été accueillie favorablement et sera traitée lors d’une prochaine session.

Cet article porte sur le rôle majeur de la marque de base pour l’enregistrement international. Il fournit également quelques éléments de réflexion pour la stratégie de dépôt.

L’attaque centrale

Un enregistrement international dépend de la marque de base pour une période actuellement de cinq ans à compter de la date d’enregistrement. Pendant cette période, si la marque de base cesse de produire ses effets, pour tout ou partie des produits et services désignés, il en est de même pour la marque internationale.

L’attaque centrale, également appelée « effet miroir », a pour effet que toute annulation ou limitation de la marque de base entraîne la même limitation ou annulation de la protection pour l’enregistrement international.

Dans la plupart des cas, la cessation des effets résulte d’une décision définitive d’un tribunal ou d’un Office de propriété intellectuelle prononçant la révocation, la radiation ou l’invalidation de l’enregistrement de base. Elle peut également résulter du rejet ou de l’abandon d’une demande de base ainsi que de la renonciation à celle-ci.

Lorsqu’une décision définitive entraînant la cessation partielle ou totale des effets de la marque de base est rendue après l’expiration de la période de dépendance, l’Office de propriété intellectuelle est tenu d’en informer l’OMPI si l’action entraînant la cessation des effets a été engagée au cours de ladite période.

Transformation

Pour atténuer les conséquences de la disposition relative à la dépendance, le protocole de Madrid a introduit la possibilité de transformer la marque internationale en droits nationaux ou régionaux.

Ainsi, les droits étrangers ne sont pas perdus. Mais il est préférable de ne pas avoir recours à cette mesure car sa mise en œuvre s’avère coûteuse, complexe et fastidieuse ainsi que pour un résultat incertain.

Marque de base

Toutes les marques ne remplissent pas les conditions d’éligibilité pour se qualifier comme marque de base.

En vertu de l’article 2, paragraphe 2, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, la marque doit être enregistrée ou faire l’objet d’une demande d’enregistrement sur le territoire du membre de l’Union de Madrid auprès duquel le déposant a un établissement, un domicile ou une nationalité. La marque internationale est ensuite déposée sur ce territoire, auprès de l’office d’origine.

Un choix est possible lorsque le déposant a un lien de rattachement avec plusieurs parties contractantes du système de Madrid. Par exemple, un ressortissant d’un pays qui réside dans un autre (à supposer que ces pays soient des parties contractantes) peut choisir auprès duquel déposer la marque de base puis la demande internationale.

Pour le choix de l’office d’origine, il convient de tenir compte des législations, des réglementations et des pratiques nationales, en fonction notamment des critères suivants :

– le délai d’examen de la marque de base pour obtenir son enregistrement, certains offices proposant un examen accéléré,

– la langue de dépôt et si un choix de langues est proposé, en considérant si la liste de produits et services devra être traduite dans l’une des langues de travail du système de Madrid (informations disponibles dans la base de données des profils des membres de Madrid proposée par l’OMPI),

– les conditions d’enregistrement de la marque de base, y compris les éventuelles exigences de renonciation à des éléments non distinctifs de la marque ou au dépôt d’une description très précise des produits et services désignés,

– les modalités de la pratique d’examen sur les motifs absolus de refus de protection, tels que le niveau de distinctivité requis, lequel, s’il est strict, a l’inconvénient de retarder l’examen mais permet de sécuriser une marque de base solide et donc de réduire le risque d’objections dans les pays désignés dans la marque internationale.

Facteurs déterminants

Le titulaire doit également tenir compte de la possible vulnérabilité de la marque de base. Mieux vaut ainsi éviter une marque risquant d’être annulée en raison de l’existence de droits antérieurs problématiques ou d’un dépôt considéré de mauvaise foi pour défaut d’intention d’usage.

L’intérêt à déposer la marque dans le pays choisi est également à prendre en compte. En particulier, à quelle échéance est-il envisagé de l’utiliser ? Dans certains pays, le délai pour commencer à utiliser la marque est de trois ans à partir de la date d’enregistrement.

Les aspects fiscaux peuvent avoir une importance s’il est prévu ultérieurement de céder ou de concéder sous licence la marque internationale, par exemple d’une filiale à une société mère ou inversement.

Les marques mono-classe ne sont pas à écarter car la marque internationale peut être basée sur plusieurs marques de base identiques couvrant différents produits et services.

De même, la priorité n’est pas un facteur de choix. Le dépôt antérieur peut être une autre marque déposée dans un pays partie à la Convention de Paris ou dans un pays membre de l’Organisation mondiale du commerce. Cette possibilité de revendiquer la priorité d’une autre marque offre une certaine souplesse dans le choix de la marque de base.

Stratégie de protection internationale

Afin d’atténuer le risque d’attaque centrale, il est conseillé d’effectuer une recherche de disponibilité complète dans le pays d’origine pour identifier et évaluer le risque de réclamation d’un tiers contre l’utilisation et l’enregistrement de la marque de base sur la base de droits de propriété intellectuelle antérieurs.

Pour la même raison, il est souvent préférable d’attendre l’enregistrement de la marque de base ainsi que la fin de la période d’opposition avant de déposer la marque internationale.

S’agissant de la liste de produits et services, la formulation et la classification devraient idéalement être conformes aux exigences de l’office d’origine et à celles de la classification de Nice afin d’éviter une objection de l’OMPI à cet égard.

La stratégie de protection internationale doit donc être définie dès le premier dépôt. La meilleure stratégie dépend des circonstances du cas d’espèce, la voie nationale s’avérant plus judicieuse dans certains cas.

En tout état de cause, faire appel au système de Madrid nécessite de penser globalement et agir localement : les fondations de la marque internationale se posent dans le pays d’origine.

Nathalie Denel, Juriste en propriété intellectuelle
27 avril 2022

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